Amee la Slameuse, une étoile du slam ivoirien
Entre beauté et compétence !
Elle évolue dans le slam depuis plusieurs années. Elle s’appelleBAMBA Aminata. Connue sous le nom de Amee « lu Ami », la jeune femme est une artiste ivoirienne pluridisciplinaire. Elle est titulaire d’un Master en droit des affaires. Notre invitée a également suivi une formation au Diplôme d’Etudes Supérieur Spécialisées en fiscalité des entreprises. L’art est un monde qu’elle côtoie étroitement. En effet, elle commence par la danse, le dessin, l’écriture le chant, discipline dans laquelle elle ressort lauréate de prix révélation RnB en 2009. L’année suivante en 2010, Amee participe à un atelier d’écriture et commence à développer son expression scénique à travers le slam pour mettre en lumière ses compositions. Trois ans après le dévouement paie, elle est sélectionnée parmi les dix (10) meilleurs slameurs de Côte d’Ivoire dans le cadre du projet itinérant Africain: « The Spoken Word Project« .
En 2014 elle participe à la création de l’association « Collectif Au Nom Du Slam », association récipiendaire du 3e prix d’excellence de la République de Côte d’Ivoire, catégorie des arts Vivants, en 2018.
Après 9 années d’expérience en entreprise dans l’audiovisuel (Radio JAM, Côte Ouest Audiovisuel, Galaxie Africa) elle se consacre au développement d’une carrière artistique.
En dehors de ses fonctions de Vice- Présidente, Chargée de communication au sein du Collectif, et d’Ambassadrice Côte d’Ivoire de la Coupe d’Afrique de Slam Poésie, elle participe à plusieurs festivals en Afrique en Europe et en Amérique. Nous l’avons choisi pour la couverture de votre magazine de janvier 2023. Lisez notre entretien.

Etincelante : Pouvez-vous nous présenter votre parcours scolaire et universitaire ?
Amee : J’ai fait l’école primaire CP jusqu’au CM2 à EPP Samatiguila 3, ensuite de la 6e à la 3e au Collège Moderne Nimbo de Bouaké (Ex COB) aujourd’hui LMNB, de la Seconde à la Terminale au Lycée Mamie Adjoua de Yamoussoukro. De la 1ère année à la maitrise droit privé option affaires et le DESS et Fiscalité des entreprises à l’université de Cocody aujourd’hui UFHB.
Etincelante : Le slam est une discipline artistique unique mêlant musique et poésie. Comment avez-vous découvert cet art ? Et pourquoi avoir décidé d’évoluer dedans ?
Amee : Il faut savoir qu’à la base le slam n’a pas de musique, c’est avec l’évolution qu’on y a rajouté la musique. J’ai découvert le Slam à travers Grand Corps Malade et Abd Al Malik en 2008/2009. J’ai bien aimé sans envisager une seconde que je pratiquerais cette discipline. En vérité, je voulais être chanteuse au départ. J’ai même remporté une compétition (3 R Révélation) catégorie RNB ou il fallait écrire, composer de ses propres textes de chant.
Juste après ce prix, un ami m’a conseillé le Slam parce qu’il trouvait que j’avais une belle plume. J’écrivais aussi beaucoup de textes depuis mes 14 ans sans savoir trop quoi en faire. J’aimais beaucoup la poésie et la scène. Etant donné que le slam est la réunion de l’écriture et de la scène, je m’y suis sentie à ma place.
Etincelante : Quel constat faites-vous de l’état de cet art oratoire aujourd’hui en Côte d’Ivoire, votre pays, en Afrique en général ?
Amee : Je fais un constat plutôt positif car il se fait tout doucement sa place au point de faire partie des catégories officielles des prix de musique aujourd’hui. Dans le domaine des arts vivants, art de la scène, il est beaucoup sollicité par les institutions presqu’à tous les événements. Nous avons remporté des prix et distinctions de manière individuelle, en collectif partout en Afrique. Aujourd’hui on a droit à moins de questions du genre « c’est quoi le slam ? », car il est entré dans la conscience collective, par contre, il reste encore du chemin pour en faire une habitude populaire et nous sommes là pour essayer à notre niveau en solo ou en association.
Etincelante : Quelles sont les personnalités qui vous inspirent. Pourquoi ?
Amee : Les personnalités qui ont eu un impact sur le chemin artistique que j’ai emprunté en dehors des femmes de ma famille, sont essentiellement des artistes tels que Michael Jackson, Beyoncé pour leur sens de l’acharnement au travail et du spectacle. Oumou Sangaré que j’ai beaucoup écouté chez des voisins à la famille. J’ai été aussi influencée par la musique de nombreux artistes africains et même au-delà, Nayanka Bell, Barbara Kanam, Angélique Kidjo, Kadja Nin, Salif Keita, Lokua Kanza, Kassav et tellement d’autres qu’écoutaient beaucoup les parents à l’époque de notre enfance. J’ai été beaucoup influencée par l’ère Hip hop Us, Francophone avec Solar, Kery James pour être exhaustive et Hip hop Ivo.
Etincelante : Les problématiques liées aux femmes ont une place de choix parmi vos thèmes. Pourquoi ?
Amee : C’est vrai que mes sujets sont beaucoup variés mais avec une belle part en ce qui concerne la femme. La raison est dans l’un de mes textes en ces termes « mon âme habite un corps de femme alors mon slam se conjugue souvent au féminin ». Il n’y a que très récemment que les femmes ont commencé à dire véritablement le fond de leurs pensées, leurs sentiments, leurs expériences. Et malheureusement, nous continuons de nous (auto) censurer à cause du jugement que la société fait peser sur nous. Parfois, sans même se rendre compte tellement c’est devenu banal et imperceptible par habitude. Depuis l’enfance, je me suis toujours interrogée sur le comportement du monde envers moi. Et, je me suis rendue compte que le silence nous efface de l’histoire, de la mémoire alors que les femmes sont la moitié de l’existence, des œuvres humaines voire plus. Et que quand on ne parle pas pour nous tout ce qu’on vit, fait, accompli n’existe finalement pas. Alors, j’ai décidé de parler pour moi, d’utiliser le savoir et l’intellect que Dieu a pris le temps de façonner pour ne pas que ce soit du gâchis (rires). Et la nature a voulu que je sois une femme (rires). Au passage parler aussi pour celles qui ne peuvent pas le faire, pour nous motiver, nous affirmer, encourager, dire le mal qu’on nous fait pour qu’il n’y en ait plus.

Etincelante : Êtes-vous féministe ? Que pensez-vous du féminisme ?
Amee : Je pense que je suis féministe depuis l’enfance(rires). Vu comment je trouvais que beaucoup de choses n’étaient justes pour les filles. Je me suis toujours vue comme un être humain qui avait le droit de faire beaucoup plus qu’on lui permettait. Le féminisme est un mouvement, une attitude, un discours, une action qui milite pour la défense des droits de la femme, pour son épanouissement social moral. Mon attitude, mon discours, entre dans cette démarche donc je le suis naturellement. Je ne le suis pas pour la mode car je suis nulle dans les trucs de suivisme. Féministe oui, à ne pas confondre avec misandre et sur ce point je m’adresse aux champion.nes des amalgames dont c’est le raccourci. Le féminisme selon moi est un mouvement utile car c’est grâce à lui que j’ai des droits, une liberté de choix. Et consciente de ces droits aujourd’hui, je peux brandir sans que ma vie ou mon intégrité physique ne soit en péril dans la société où je vis. Ailleurs, on peut mourir juste parce qu’on veut être libre. Pour être aussi proche de certaines associations féministes, je sais que des actions sont menées sur le terrain pour aider et sauver des vies et ça c’est à saluer malgré tout l’acharnement quotidien que subit ce mouvement pour tout et rien. Il faudrait que les gens sachent que l’imperfection humaine rend tout système approximatif. Alors, il est normal qu’il ne soit pas la perfection incarnée à travers certains comportements (incompréhensions, confusions, débordements etc..) comme de milliers d’autres systèmes. Il est nécessaire et il n’y a pas de hasard, la frustration, l’oppression crée la révolution c’est dans l’ordre de la nature, tout n’est pas mimétisme quand on observe avec intelligence.
Etincelante : En tant qu’artiste, vous mettez un point d’honneur à utiliser votre art pour faire changer les mentalités dans la société. N’est-ce pas ?Est-ce une tâche aisée ? Quels sont les difficultés rencontrées suite à ce choix ?
Amee : Ce n’est pas une chose aisée de faire des choses utiles, sérieuses, intellos. Ce sont des domaines qui ne brassent pas de foules alors que le slam est né pour briser les frontières justement. Alors on essaie de trouver le juste milieu, les compromis pour ne pas être trop éloignés de la réalité de la masse et aussi ne pas perdre l’essence de notre art. On y arrive petit à petit, le chemin est long mais si on a réussi à porter le slam jusque-là on y arrivera et ce n’est pas mission impossible. Par contre, les moyens financiers sont notre plus grand défaut et on fait du mieux qu’on peut, voire même plus (rires).
Etincelante : Aujourd’hui Amee est presque sur tous les grands événements en Côte d’Ivoire et dans le reste du monde. Nous sommes convaincus que cela ne s’est pas fait sans difficultés. Comment en êtes-vous arrivée là avec cet art méconnu ?
Amee : Je me rappelle de ma première scène slam le 22 janvier 2010 (rires). Jusqu’à aujourd’hui et entre ces deux arrêts, il y’a eu une compétition Slam et arts de la parole en 2013 du nom de « The Spokenword Project » initié par le Goethe Institut (Institut allemand) qui a fait la tournée des capitales africaines depuis l’Afrique du Sud et qui s’est achevée à Abidjan avec 10 finalistes dont je faisais partie. Après la compétition, les 10 finalistes décident de créer une association, Collectif Au nom du slam, dont je suis la nouvelle Présidente depuis peu, pour faire la promotion du slam. Dans ce Collectif, nous avons initié 5 projets pour faire cette promotion : Tout d’abord des scènes mensuelles et libres pour habituer le public. C’était rude, nous n’avions très souvent pas de public (rires) mais on a persisté et on a eu le soutien du Goethe Institut, ensuite du peintre Jacob Bleu qui nous a offert sa galerie qui a dû étendre son espace grâce à l’affluence en une année. Ces scènes se dérouleront dès février 2023 à la Fondation BJKD. Par la suite, nous avons initié une compétition nationale dont la 8e édition aura lieu dès septembre 2023 et qui qualifie un représentant.e ivoirien.ne à deux coupes du monde de Slam, la Coupe d’Afrique et autres compétitions internationales de Slam. Nous avons aussi initié le Festival international BABI SLAM, dont la 7è édition aura lieu dès le 18 Octobre 2023 en partenariat avec le Goethe et l’institut français. A cela nous avons rajouté des spectacles slam à thèmes et des Nuits du Slam à l’institut français, et le dernier projet qui sera lancé dès février jusqu’en mars, la coupe interscolaire de Slam, depuis 3 ans maintenant.
Parallèlement en solo, certains.es slameu.ses.rs dont moi ont présenté des titres slam en audio, singles, Ep, albums et clip avec des apparitions télés, à des évènements qui ont largement contribué à propager la nouvelle du retour de la parole sur scène et dans nos habitudes.

Etincelante : Qu’est-ce que vous aimez dans les mots ? La définition, la sonorité, la musicalité ?
Amee : La possibilité qu’ils offrent de pouvoir créer de l’émotion, de pouvoir diagnostiquer voire soigner les maux, de pouvoir traverser les mondes même les plus fermés, de pouvoir voyager même sans bouger. Aussi l’enseignement qu’ils m’apportent à moi-même depuis que je fais Amee-amie avec eux. Je sais qu’ils ne doivent pas être utilisés au hasard qu’ils ont chacun leur pouvoir qui peut créer des catastrophes ou des merveilles.
Etincelante : Où puisez-vous votre inspiration ?
Amee : En tant que fan de poésie à la base, je considère la vie comme un grand recueil de poèmes d’où je soutire mes textes. Pour dire la vie en général.
Etincelante : On vous a vu récemment dans la fiction-documentaire «Ligne 19» du réalisateur Owell Brown , sans oublier de mentionner que vous animez une émission de radio. Cinéma, animation …d’autres histoires d’amour ?
Amee : Oui beaucoup d’amour pour l’art en général d’où mon autre pseudo « ARTmoureuse ». Je suis passionnée de musique chant, de danse, de dessin de peinture, de photographie, naturellement l’écriture sans oublier les voyages, le dépaysement et la mode aussi.
Etincelante : Amee la slameuse, Amee l’animatrice, Amee l’actrice… Qu’est-ce qu’on ne sait pas encore de vos autres compétences ?
Amee : 9 ans dans le domaine administration dans l’audiovisuel. J’ai fait un peu de danse Hip hop dans une école de danse, j’ai aussi fait un peu de tennis en compétition, j’ai fait un passage éclair à Star Karaoké, donc chanteuse (rires), quatre fois lauréate de distinctions en solo et une distinction (Prix d’Excellence) en Collectif, peut-être que j’oublie certaines choses tellement j’ai eu beaucoup de vies (rires).
Etincelante : Quelle émotion est votre moteur ?
Amee : La passion.
Étincelante : Étincelante organise chaque année une campagne de sensibilisation et de dépistage du cancer du sein. Qu’avez-vous à dire sur cette maladie ?
Amee : Comme son nom l’indique un mal à éradiquer. Et je suis ravie de toutes les actions qui sont menées sur le terrain pour la prévention et la prise en charges des personnes atteinte des efforts sont à fournir pour ce dernier point néanmoins et aussi du côté de la sensibilisation même au-delà du mois dédié à la lutte contre ce mal. J’ai plusieurs fois eu à participer à des actions et à la sensibilisation et on doit faire plus.
Etincelante : Vos projets à long, court et moyen terme ?
Amee : Mes projets sont la sortie d’un projet musical, Album ou plusieurs EP, un spectacle concert le 29 avril 2023. Des festivals au Sénégal, en Guinée au Congo (mars-avril), participation au projet Genève-Africa édition Genève-Abidjan, un festival rencontre voyage et de création qui s’étendra sur 2023 jusqu’à restitution du 1er au 3 Décembre qui enregistre la participation de Nash. Il y’aura bien d’autres projets que j’annoncerai au fur et à mesure en plus des projets en Collectif que j’ai cité plus haut, scènes mensuelles, festival championnats.
Étincelante : Vos souhaits pour 2023 ?
Amee : Beaucoup de succès, réussite et richesses en tous genres dans la santé la paix et le bonheur.
Étincelante : vos souhaits pour Etincelante ?
Amee : Longue, brillante et riche vie.

Etincelante : Quel est votre recette magique pour vous remotiver quand tout va mal ?
Amee : Je demande de l’aide à Dieu. Je me parle à moi-même : « Tu es une spartiate, une guerrière, tu es une lionne, personne ne le fera à part toi ». Je regarde le chemin parcouru, le chemin à parcourir et je me remets en route.
Etincelante : Avez-vous un message à transmettre à des jeunes filles qui n’osent pas se lancer dans le slam ?
Amee : Ecoutez la voix qui vous dit « tu peux le faire » et faites ce qu’elle dit. Quant à la voix qui vous dit « tu vas te tromper, tu n’es pas forte » répondez lui je vais le faire pour m’exprimer, m’amuser et si je me trompe demain je ferai mieux, si je ne suis pas forte, en commençant et répétant je le deviendrai en attendant je vais donner de tout mon cœur, parce que les plus importants au slam sont la liberté et la sincérité. On n’échoue pas d’essayer.

L’équipe de la rédaction